Burnout, désengagement, démissions silencieuses… La crise du management ne fait que commencer. Les études montrent que notre boss a autant d’impact sur notre santé mentale que notre époux.se et qu’il a plus d’impact que notre médecin.
Et si cette crise venait en partie de la manière dont on choisit nos managers ?
Le plus souvent, ils sont choisis pour les mauvaises raisons. Or les effets négatifs des leaders sur les individus et les organisations sont nombreux : bas niveau d’engagement, de confiance et de productivité, pertes financières, haut niveau de stress et burnout.
Dans les choix de recrutement ou de promotion, un critère l’emporte sur tous les autres : le charisme.
Sauf que charisme ≠ leadership.
Et si nous repensions notre compétence à sélectionner les futurs leaders de demain, notamment en arrêtant de tout mélanger ?

I) Charisme : la fausse impression de compétence
a) Définition du charisme et exemples.
Dans beaucoup d’entreprises, le salarié qui maitrise les codes et qui a du bagout, est rapidement étiqueté de leader. Diplomate avec sa hiérarchie, il fait bonne impression en faisant des compliments, il est charmeur et captivant. Il n’a pas forcément les meilleurs résultats, mais c’est fréquemment celui qui est promu au poste de manager. Le charisme se définit par le fait que le charme d’un individu devient magnétique, puissant et les gens sont attirés par lui. Une personne charismatique peut paraître visionnaire et extrêmement séduisante. Cependant, l’individu charmeur porte un masque qui cache en fait de fortes insécurités, mais il attire la validation des autres.
Lors d’un recrutement, le candidat faisant « la meilleure impression » est souvent sélectionné, car il a cette capacité à se mettre en scène, à plaire et à donner une illusion de maitrise et de confiance. Sous l’effet de biais cognitifs bien connus, les recruteurs attribuent à une personne charismatique des qualités qu’elle ne possède pas forcément : compétence, intelligence émotionnelle, fiabilité.
Pourquoi beaucoup d’organisations ont tendance à promouvoir ou recruter des personnes charismatiques au poste de manager ?
b) La promotion des leaders incompétents.
Pour répondre à cette question, je me suis servi du livre de Tomas Chamorro-Premuzic, psychologue des organisations, dont le titre est : Why Do So Many Incompetent Men Become Leaders? (2019).
Premièrement, on a tendance à supposer que les personnes qui ont de l’assurance, ont plus de potentiel pour devenir des leaders. Or, comme le montre très bien la thèse de Tomas Chamorro-Premuzic, il y a très peu de lien entre la confiance (à quel point les gens pensent être bons dans quelque chose) et la compétence (à quel point ils sont réellement bons dans quelque chose). On confond souvent l’impression d’avoir confiance en soi et compétence réelle, ce qui explique pourquoi tant d’incompétents accèdent au pouvoir.
Deuxièmement, on est attiré par les individus charismatiques, notamment depuis les années 1960 et l’explosion des médias de masse, phénomène amplifié par l’avènement des réseaux sociaux. On est attiré par des personnes charmantes et divertissantes. Or ce ne sont pas des qualités requises pour être un bon leader.
La troisième raison est notre incapacité à résister à l’attrait des individus narcissiques, des personnes manipulatrices aux visions grandioses qui exploitent notre propre narcissisme. Notre admiration pour ceux qui s’admirent eux-mêmes ne cesse de croître depuis des décennies. Une personne charismatique qui se met en scène, met en avant ses résultats (particulièrement auprès de la hiérarchie) et qui dispose de stratégies pour dévaloriser ses paires, cache certainement sous son masque les traits d’une personnalité narcissique : manque d’empathie, besoin de contrôle, arrogance, inconscient de ses limites, etc. Si la personne narcissique est promue, l’environnement de travail deviendra obligatoirement toxique.
Dans notre culture managériale française, un paradoxe s’observe. Pendant que les bienfaits du management collaboratif et de l’intelligence collective ont fait et continuent à faire leurs preuves, les équipes dirigeantes et les recruteurs persistent à promouvoir des personnalités charismatiques à des postes de management. La figure du petit chef est un bon exemple : individualiste, souvent autoritaire et viril, rigide avec ses équipes, qui confond autorité et domination. Cependant, cette figure est reconnue pour être très docile avec sa hiérarchie.
En conclusion, les gens charismatiques sont fréquemment surévalués, car ils donnent une impression de compétence et de confiance. Voyons maintenant quels sont les qualités pour être un bon leader.
2) Les traits et qualités d’un bon leader
S’il est préférable qu’un leader possède du charisme, un individu charismatique n’est pas obligatoirement un bon leader. Il est nécessaire de repenser nos représentations mentales du « bon leader”.
Un bon leader n’est pas quelqu’un qui brille pour lui, son devoir est de créer un environnement de travail sain, stimulant et sécurisant psychologiquement qui vise à ce que chaque salarié soit authentique et se développe. Comme le montre Tomas Chamorro-Premuzic, il existe un décalage pathologique entre les attributs qui nous séduisent chez un leader (comme le charisme) et ceux qui sont nécessaires pour être un leader efficace.
Au lieu de sélectionner les personnes qui semblent avoir confiance en elles, qui sont narcissiques ou charismatiques, nous devrions nous concentrer sur les personnes qui font preuve d’humilité, d’intégrité, d’authenticité et de compétence.
Les traits qui mènent au pouvoir : narcissisme, confiance excessive, dominance.
Les attributs des vrais leaders : humilité, intégrité, authentique, compétence émotionnelle, intelligence émotionnelle, courage éthique. Leurs actions se transforment en résultats concrets :
- Donner les moyens à son équipe de se développer ;
- Écouter attentivement et avec empathie les membres de l’équipe ;
- Réfléchir avant d’agir, maitriser son calme ;
- Émotionnellement ouvert à ses émotions et à celles des autres ;
- Admettre leur imperfection ;
- Être positif : aider l’équipe à trouver des solutions même en temps de crise ;
Les bons leaders sont souvent observateurs et discrets, plus prudents et plus à l’écoute, donc moins « vendeurs » en entretien ou en promotion.
Au-delà de la définition des bons traits de leadership, il est tout aussi crucial de repenser les méthodes d’observation et d’évaluation pour reconnaitre les attributs nécessaires pour être un bon leader.
3) Repenser nos critères de sélection des leaders.
L’obsession pour le charisme a un coût pour les organisations. Il est temps de faire évoluer nos processus de sélection, de recrutement et de promotion. Notre instinct est parfois trompeur.
a. Se méfier de son jugement émotionnel.
« Faire confiance à son intuition » est un conseil que l’on entend souvent. Or comme nous le fait remarquer à juste titre Tomas Chamorro-Premuzic : « La plupart d’entre nous apprécions notre intuition, mais la plupart des gens ne sont tout simplement pas aussi intuitifs qu’ils ne le pensent. En ce sens, l’intuition est un peu comme le sens de l’humour. 90 % des gens pensent avoir un sens de l’humour exceptionnel. Pourtant, combien sont réellement drôles ? ».
Par conséquent, dépassons nos biais cognitifs et nos préjugés : arrêtons de nous concentrer sur les impressions que les gens laissent lors des entretiens d’embauche ou au bureau. En ce sens, le charisme est un signe extérieur de leadership, qui impacte souvent notre jugement émotionnel de manière positive. Même avec de bonnes intentions, il est compliqué de surmonter nos préjugés et nos biais cognitifs. En effet, le collègue ultra jovial qui fait des compliments à tout le monde, qui veut toujours parler au client en premier et qui parle le plus fort en réunion, n’est pas garanti d’être un manager à l’écoute de son équipe.
b. Plus de femmes aux postes de management.
Selon les études académiques, les leaders masculins sont majoritairement incompétents.
Ainsi, promouvoir plus de femmes aux postes de managers est une solution. Les femmes ont tendance à faire preuve de plus de prudence, de collaboration et d’intelligence émotionnelle. . Cependant, elles sont souvent écartées faute de « confiance perçue » ou de posture d’autorité. L’erreur est de demander aux femmes de se comporter comme des managers masculins incompétents.
c. Des alternatives aux entretiens biaisés : évaluer la compétence réelle.
Si le charisme impressionne, il n’est pas un gage de compétence. Pour limiter les biais et recruter de vrais leaders, voici deux outils et méthodes à privilégier :
→ Les mises en situation professionnelles (in basket, jeux de rôle, études de cas).
C’est un test comportemental en conditions simulées, où on observe ce que fait la personne dans une situation complexe, ambigüe ou urgente, au lieu de lui demander ce qu’elle ferait.
Plutôt que de demander « comment vous réagiriez », mettez le candidat en condition réelle. Par exemple : gérer un conflit fictif entre deux collaborateurs, définir une vision et des actions pour rendre une équipe plus performante, prioriser des tâches et ressources avec contraintes.
→ Le test de jugement situationnel.
C’est un outil d’évaluation qui consiste à présenter des scénarios réalistes liés au poste, avec plusieurs réponses possibles. Le but est d’évaluer comment la personne réagirait dans la réalité, pas ce qu’elle dit d’elle-même en entretien. Le test présente une situation ambiguë ou problématique, suivie de 3 à 5 réponses possibles.
Avec ces deux outils, on ne cherche pas à mesurer le savoir ou les compétences techniques, mais plutôt :
- La capacité à gérer des dilemmes complexes et à arbitrer l’ambiguïté.
- L’analyse critique.
- L’intelligence relationnelle.
- La maturité émotionnelle : authenticité, résilience, responsabilité.
- La priorisation et prise de décision avec de l’optimisme et du positif.
- Les valeurs sous-jacentes (éthique, respect, collaboration)
Les discussions post test, permettent de voir la cohérence, la flexibilité, la profondeur de raisonnement, et pas juste une réponse figée. Poser la question suivante est un bon indicateur : quel est votre style de leadership ? La clé est de percevoir ce que le futur leader peut apporter aux équipes, c’est à dire son impact dans l’environnement de l’entreprise. Si le candidat semble aimer donner des ordres et qu’il place ses résultats (le “je”) avant les résultats de l’équipe (le “nous”), alors ce candidat n’est certainement pas fait pour le poste. Un bon leader aime l’innovation, il prend soin du développement de son équipe et de l’environnement dans lequel il manage.
Recrutons les leaders pour ce qu’ils peuvent nous apporter dans le futur, pas pour ce qu’ils ont réalisé dans le passé.
Redéfinir notre manière de choisir les bons leaders est une nécessité stratégique et humaine pour nos organisations.

Conclusion.
La confusion entre charisme et leadership nuit à nos organisations, alimente des dynamiques toxiques, et dévalorise les qualités pourtant essentielles d’un leadership efficace : humilité, écoute, authenticité, intégrité et compétence. Malheureusement, elle empêche les bons profils d’émerger.
Il est temps de passer d’un modèle fondé sur les apparences à un modèle fondé sur l’impact.
Car derrière chaque manager compétent, ce sont des dizaines de carrières qui peuvent (re)fleurir et des organisations qui peuvent être plus performantes et rentables.
👉 Quelle est la qualité d’un manager ou leader qui vous a marqué positivement dans votre carrière ?
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